Ce soir je n'ai rien pour vous niveau conseil entrepreneurial.
Le coeur n'y est pas.
Je vais tenter de vous expliquer pourquoi.
Je suis actuellement en Autriche, avec mon van aménagé.
(Les paysages sont superbes, ce pays est complètement sous évalué pour qui aime se perdre dans la nature.)
On s'est posé au bord d'un petit ruisseau, au creux d'une vallée.
En arrivant, on entend quelques vaches.
On se gare pour la nuit à 20 mètres d'un enclos qui ne contient que 4 petits veaux.
Alors on s'approche pour leur dire bonsoir, ils ont l'air d'avoir besoin d'attention.
A peine on tend la main que le petit nous la lèche de sa langue rapeuse.
Et c'est là que l'émotion m'a terrassé.
Le bébé s'est mis à chercher mes doigts pour les têter…
J'en chiale rien que de vous écrire ça.
Ca me prend aux trippes.
De la tristesse, de la colère, de la rage me submerge.
Juste un petit bébé qui aimerait retrouver sa maman et qui l'appelle désespérement dans la vallée…
Qu'est ce que j'ai l'air con, moi grand gaillard comme je suis, à chialler et sangloter devant cette petite vache, deux doigts dans sa bouche à essayer de la réconforter, ses petites dents qui n'ont même pas encore eu le temps de grandir…
Et puis c'est sensation d'impuissance, d'injustice qui me noud la gorge et me fait serrer les poings.
Je sais très bien que j'y peut rien, que tout ça ne sert à rien, que mes pleurs n'y changeront rien. Les dés sont jetés et je suis comme un con, putain d'impuissant.
Putain de société anthropocentique de merde…
Rien à foutre des autres Vivants tant qu'ils et elles ne savent pas s'exprimer dans un langage avec des mots.
Ca arriverait ça si ses gémissements étaient des "Maman, où es tu ? Elle est où ma maman ? Pourquoi elle n'est pas là ?" ?!?
Et moi qui vais passer la soirée là, avec leurs gémissements déchirants.
Parce qu'il est pas question, malgré cette douleur, qu'on s'en aille.
Je la veux en plein dans le ventre, en pleine gueule, aussi douloureuse qu'elle doit l'être.
Je veux en chialler, je veux passer pour un con trop sensible auprès des gens qui sont avec moi, je ne veux pas de leur réconfort à deux balles, des "ça va aller" ou des "tu n'y peux rien, c'est la vie".
Je ne veux pas de leurs calmants qui nous volent nos douleurs.
Je veux regarder cette saloperie en face, droit dans les yeux, le coeur déchiré.
Cette douleur me nourrira, ce mail m'en est témoin, pour me battre contre toutes ces putains d'injustices, ces anormalités banalisées.
J'aurai cette émotion ancrée dans le bide à chaque qu'il me faudra du courage ou de la persévérance.
Elle sera vive, intenable, terriblement affutée.
Ce petit bébé qui n'a rien demandé à personne et que de bons exécutants apathiques séparent de sa petite maman pour mieux l'exploiter.
Mes deux doigts qu'elle tète désespérément.
Ma gorge nouée et les larmes qui me montent aux yeux.
Chaque détail gravé dans ma tête et dans mes trippes.
Ca y est, la détermination reprend le contrôle sur les émotions.
Mon cerveau se met à analyser, à faire des plans, à construire ses propres armes pour me conforter dans ce combat pour les Vivants.
Il analyse mes forces, mes atouts, mes compétences, mon savoir et les imbrique avec tout l'écosystème économique dans lequel on vit.
Ma colère est légitime, elle est saine si elle ne devient pas vengeresse.
Ma détermination grandit.
Je ne suis pas impuissant, même si je suis un petit gars paumé sur le Web qui n'a que des mots et du jus dans la caboche comme armes de construction massive.
Le monde n'est pas si moche, il y a d'autres Résistants, d'autres Conspirateurs positifs qui oeuvrent pour le bien.
Je ne suis pas seul, on est en train de s'organiser.
Même si pour les Vivants, quoi que nous fassions, toutes les données montrent que la situation s'aggrave de jour en jour.
On ne gagne pas du terrain, on en perd.
Nos petites actions ne sont rien du tout face aux bulldozers de la destruction.
Nous ne servons à rien.
Mais ce n'est pas important.
Ce qui compte c'est cette force de Vie qui m'habite.
Ce qui compte c'est de choisir son camp pendant le génocide.
Ce qui compte c'est de choisir quoi faire du temps qu'il nous est imparti.
Peu importe l'issue. Peu importe les massacres. Peu importe les victoires.
Seul compte le fait de se battre, de se battre de toutes ses forces, pour ce que l'on estime juste.
Soyez sûr de continuer à recevoir de mes nouvelles Bastien.
Soyez sûr que je ne lâcherai rien.
Nous sommes celles et ceux que nous attendions.
A lundi.
Maxence
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Les larmes aux yeux.