« C’est qu’ils commencent sérieusement à nous agacer ces petits écolos baba cool.
Moi aussi j’aime la Nature.
D’ailleurs, je suis partie à la montagne ce weekend, je n’ai jamais balancé le moindre déchet dans la Nature et je soutiens absolument toutes les GreenTech : ce sont les innovations technologiques, le génie humain qui sauveront l’Humanité, comme ça a toujours été le cas.
Mais de là à jouer les pessimistes, ne faire que râler, faire la morale à tout le monde (et ainsi faire de l’écologie la nouvelle Inquisition), et restreindre les libertés individuelles, là je dis non !
L’écologie oui, l’écologisme (c’est à dire en faire l’alpha et l’omega de la société) non ! «
Ah…. combien de fois n’ais je pas entendu ce discours ?
(et vous aussi probablement)
D’ailleurs, je crois bien l’avoir eu moi aussi.
Je dois bien l’avouer… j’ai eu une éducation fondamentalement libérale (n’attends rien de l’Etat ou des grandes entreprises, fais ta route, réalises tes rêves, tu es le maître de ton destin).
Je m’émerveille très souvent du génie technologique, des services inventés par les start-ups et les réseaux sociaux (c’est absolument dingue tout ce qu’on peut faire avec, le pouvoir que ça nous donne), et la science, la curiosité et l’innovation sont mes hobbys préférés (et j’ai fait des études d’ingénieur).
J’ai eu la chance de voyager, ou plutôt de “vivre des aventures” (car c’est en fait la seule chose qui compte dans le voyage : l’aventure – le reste n’est que tourisme, distractions sympathiques et reconnaissance sociale, non ?).
Je suis convaincu que le libéralisme économique a apporté énormément de chose à l’humanité, notamment la paix (on a une tendance naturelle à ne pas trop taper sur la figure de ceux avec qui on discute et fait du commerce).
Et par dessus tout, j’aime la liberté, la liberté individuelle, la liberté de penser, la liberté de s’égarer, la liberté de l’imperfection et des contradictions, la liberté d’entreprendre, la liberté de ne pas choisir l’optimum mais le caprice poétique.
Tout ça pour dire… j’éprouve une révulsion des plus prononcées pour tout ce qui est “liberticide”, pour tout ce qui me restreint dans mon pouvoir d’action, ma créativité, ou mon expression.
Autant vous dire que lorsque j’ai vu tous ces écolos extrémistes faire la morale à tout bout de champ et vouloir imposer des lois et des règlementations, je n’étais pas franchement des plus enthousiastes à vouloir sauver les papillons.
Et puis….
Et puis j’ai choisi de m’y intéresser de plus près, car je suis tombé sur des statistiques qui m’ont rendu profondément triste.
60% des vertébrés qui ont disparus en 40 ans.
4% seulement des animaux sont encore sauvages.
J’avais l’impression d’assister, impuissant, à un génocide planétaire contre le Vivant, mille fois plus abominable que les camps de concentration nazis.
C’était une réaction émotionnelle extrêmement vive : la liberté des autres Vivants n’est plus qu’un pâle souvenir. Le monde est désert par rapport à celui de nos ancêtres, les écosystèmes et les Vivants sont asservis.
Ca a été une véritable claque. La 6ème extinction de masse (expression que je lis littéralement “l’une des plus grandes tueries de masse jamais perpétrées, pire que les guerres, les maladies ou les famines”).
Mais nous sommes d’accord, c’est ma trop grande sensibilité qui parle ici (certains n’en ont rien à faire des biotechnologies inventées par l’évolution, seules comptent les innovations humaines).
Mais il n’empêche que cet électrochoc m’a fait me poser des questions.
J’ai compris que c’était bien de notre faute à nous en tant qu’humain, qu’on avait asservit le reste de nos autres colocataires de vaisseau spatial appelé Terre sans trop se poser de question.
Certains accusent la peur de la Nature, d’autres la place des Vivants dans nos religions monothéistes dominantes (une ressource inférieure, un cadeau du ciel à dépenser) et d’autres encore accusent l’ultra-libéralisme mondialisé, le capitalisme, la civilisation thermo-industrielle et sa profusion énergétique (et qui dit énergie dit assouvissement de notre volonté de puissance, de transformation du monde) et même basiquement l’exploitation animale croissante ou la surpopulation.
Mais toutes ces accusations ne règlaient pas mon problème.
Un dilemme d’autant plus cornélien que je voyais certains de mes mentors s’y perdre avec folie.
“Le seul moyen de s’en sortir, c’est une dictature écologique”
Argh… non, je m’y refuse.
Prenez moi tout, mais pas la liberté.
“On s’en sortira, ne t’inquiètes pas, il y a des sauts technologiques qu’on ne peut pas prévoir. La fusion réglera le problème du réchauffement climatique, on est en train de digitaliser l’économie (la fameuse économie de la connaissance), on améliore sans cesse l’efficacité énergétique, la lutte contre les pollutions, l’économie circulaire abolit la notion de déchet”
Et pourtant il y a ces études qui continuent de tomber (je parle bien d’études scientifiques et pas du sensationalisme médiatique surfant sur la vague catastrophique) : le monde vivant ne va pas mieux. C’est l’inverse.
La situation empire.
“Ne plus se mentir” écrivait brillament Jean-Marc Gancille.
Alors, que choisis tu ? la liberté ou le monde vivant ? L’écologie ou le libéralisme ?
Les plaisirs de la technologie, des innovations, ou ceux de la connexion avec le reste du Vivant ?
Prendre l’avion et s’envoyer en l’air ou s’allonger dans l’herbe grasse en s’émerveillant de la Vie, des parfums, des étoiles ?
Sobriété heureuse ou ivresse délicieuse de puissance de transformation et de découverte du monde ?
J’ai refusé de me soumettre à ce choix.
(comme si c’était moi qui avait les commandes^^)
Je n’abandonnerai ni liberté ni poésie du monde vivant.
Et voilà la conclusion à laquelle j’en suis venu.
Foutaises, ce débat n’a pas lieu d’être.
L’argument que l’on entend souvent pour défendre l’écologie, c’est qu’il n’y a pas de planète B et que nous sommes en danger de mort (en tant qu’espèce très anthropocentrée, les autres Vivants eux, sont déjà en train de mourir).
Ce à quoi répondent les libéraux : l’innovation et la technologie nous sauveront et sauveront la liberté (quel exercice de foi fabuleux, venant d’ailleurs souvent des personnes… non scientifiques^^. A se demander si ce ne sont pas les ingénieurs qui ont “vendu du rêve” à coup d’innovation, alors qu’en fait c’était surtout la profusion énergétique qui faisait le travail).
Je trouve personnellement ce débat d’une stérilité à en faire pâlir une mule.
Recadrons un peu le débat libéralisme / écologie :
Lorsqu’on parle de liberté dans ce cadre sociétal, c’est majoritairement un type bien précis de liberté : la liberté de consommer (on remarquera d’ailleurs le lien sémantique avec le verbe “consumer” c’est à dire “faire cramer, faire disparaître, détruire de l’exergie et de la complexité, avec éclat, chaleur, , et pourquoi pas plaisir”).
Consommer nous rend, dans une certaine mesure, heureux.
Soit. Et quand bien même ce ne serait pas le cas, chacun est autonome (étymologiquement « se fixe ses propres règles »).
MAIS… il est important de ne pas confondre cette liberté de consommation avec LA Liberté.
Dans d’autres sociétés, ce sont les libertés d’expression, de déplacement, d’activité, d’association, etc. qui priment sur la liberté de consommation (vue comme quelque chose d’assez limité finalement).
La reconnaissance sociale, dans d’autres sociétés, ne revient pas à celui qui a le plus grand pouvoir de consommation (consummation) mais au plus sage, au plus joyeux, au plus vivant, au plus utile.
Car c’est bien de l’exercice d’une liberté à un degré plus élevé qu’un autre que vient l’admiration : c’est parce que l’autre accède à plus que nous, possède une plus grande liberté d’action de par ses moyens (matériels, sociaux, physiques, physiologiques, mentaux ou psychologiques) que nous l’envions, l’admirons ou sommes fiers de compter parmi ses relations.
La liberté de consommation, dans ce paradigme, donne certes du pouvoir d’action, mais n’est qu’une toute petite partie des libertés disponibles pour se faire reconnaître socialement.
Certains me rétorqueront que la consommation n’a pas qu’une fonction sociale, elle peut être purement jouissive (c’est à dire indépendante des réactions de notre cercle social ou des flatteries de notre égo).
C’est exact, mais admettons d’une part que ce type de consommation est plutôt l’exception et d’autre part qu’elle est tout de même généralement construite culturellement en amont. Les plaisirs purement physiologiques sont assez limités et trouvent vite leur satiété face à l’excès, sauf cas de pathologie.
Mais là n’est pas le plus important.
Que l’on veuille s’enivrer de consumérisme m’attriste mais, en bon libéral, je ne juge point. Libre à chacun de vivre ses excès, ses caprices, ses contradictions. Ne comptez pas sur moi pour tenir une quelconque morale quant à des comportements contraires aux bonnes moeurs ou excessifs. D’autres le feront bien mieux que moi et je suis moi-même loin d’être irréprochable.
L’écologie dépasse le champ moral.
C’est pour cette raison qu’il est stupide de crier au retour de l’Inquisition.
Dans écologie, il y a le “logos”, la science, la raison. Et “eko” signifiant la maison.
On cherche à comprendre les lois, les mécanismes qui la régissent et qui fondent les interactions entre les colocataires, humains et non humains, de cette demeure.
Or notre économie, nos “eko” “nomos”, nos règles de la maison, stipulent que ce qui n’est pas humain ou crée par l’humain est gratuit et, en quelque sorte, illimité.
Si vous êtes propriétaire de la station spatiale internationale et qu’un des astronautes commencent à démonter la carlingue pour se construire des babioles, alors ce débile détruit une partie de votre actif. Il vous fait littéralement perdre de l’argent.
Mais si ce vaisseau spatial s’appelle Terre, que ce n’est pas vous qui l’avez construit mais plutôt le grand Barbu là-haut, alors l’activité suicidaire de l’astronaute ne vous coûte rien. Elle est juste stupide et, à la rigueur, moralement condamnable.
C’est quand même un comble que nos règles de maison ne soient pas basées sur la connaissance que nous avons de « la maison ».
Une fois que l’on sait que démonter le vaisseau spatial affecte le système de survie et dégrade la qualité (et donc la valeur) d’un habitat perdu dans un désert mortel et sidéral, on change les règles pour que ça ne se reproduise plus non ?
C’est en ce sens que l’écologie n’est pas liberticide.
Elle ne contraint pas par choix moral, mais bien par nécessité matérielle.
Cela ne viendrait à l’idée de personne de crier au liberticide si une personne au RSA et sans héritage s’indignait de ne pas pouvoir se payer une villa luxueuse.
Elle n’en a pas les moyens, un point c’est tout.
Qu’elle exerce sa liberté dans la limite de ses moyens.
Elle peut éventuellement contracter un crédit, mais dans la limite de sa capacité de remboursement.
Il n’y a rien de “dictatorial” là-dedans.
De la même façon, l’humanité consomme aujourd’hui plus que son salaire (c’est ce qu’on entend quand on parle de “on a consommé une planète et demi » – notre salaire écologique annuel est égal à la capacité de régénération annuelle des écosystèmes).
Et comme ce salaire n’est pas suffisant pour notre consommation, nous détruisons un héritage ancestral qui met beaucoup plus de temps pour se régénérer (et actuellement, nous arrivons sérieusement à bout de ce magot, nous avons énormément dépensé).
Mettons de côté le discours poétique, moral ou éthique de l’écologie.
Est-il normal que nous consommions plus que nous avons ?
Est ce liberticide de tenir des règles de gestion qui ne nous emmènent pas à la faillite ou au surendettement ?
La réponse, dans ce paradigme, est évidement non.
Aucun.e chef.fe de famille ne s’est jamais pris un procès parce qu’il ou elle refusait à ses enfants des plaisirs qu’ils ne pouvaient pas se permettre.
Mais je vois déjà venir les petits malins (dont je faisais partie) :
“Oui, mais dans un système libéral, on peut travailler plus pour gagner plus et avoir plus de liberté.
En innovant, nous serons capables d’avoir plus.”
C’est vrai.
Nous sommes habitués à ce qu’il n’y ai pas de plafond de verre, pas de limite.
Si on veut, on peut.
Tout nous paraît illimité, il suffit d’aller le chercher.
L’électricité ? Allumez l’interrupteur : Illimitée.
Le carburant ? Allez à la pompe : Illimité
(d’ailleurs ça représente combien un plein ? vous avez conscience que 5L/100km parcouru c’est vraiment 5 litres, 5 “bouteilles” qu’on fait disparaître et qu’on ne reverra plus jamais ? Vous imaginez 60 bouteilles à verser dans votre réservoir à chaque plein ?)
L’eau ? Ouvrez le robinet : Illimitée.
La nourriture des supermarchés ? Illimitée, la plus belle des cornes d’abondance.
Des milliers d’ingénieurs ont travaillé d’arrache-pied pour qu’on ait l’illusion de cette abondance.
Aujourd’hui, ils s’aperçoivent que leur baguette magique appelée “Innovation” (et qui, en fait fonctionnait uniquement grâce à énormément d’énergie peu chère comme le pétrole) n’a plus de batterie.
On l’agite, mais rien de très concluant n’en sort.
(en fait si, elle sort plein d’innovations, mais qui ne sont pas vu comme telles parce que “déjà vues”, par exemple : le vélo, la cuisine végétarienne, l’isolation des bâtiments, les vêtements chauds, les arbres, la permaculture, etc.)
Et les scientifiques nous alertent sur la situation de la « maison »:
Ce n’est pas parce que l’héritage que grand-mère nous a légué a beaucoup de zéro qu’on a intérêt à le gaspiller/dépenser sans compter.
Ce n’est pas parce que le salaire nous paraît exorbitant à notre échelle individuelle qu’il l’est à l’échelle territoriale.
Rajoutez à tout ça :
- le changement climatique le plus rapide que la Terre ai jamais connu (normalement, +5°C c’est étalé sur 10 000 ans, et l’écart correspond à la différence entre notre climat d’aujourd’hui et une période glaciaire où une bonne partie du globe était sous 3 kilomètres de glaces – 3 KILOMETRES de glace ! Pour seulement 5 petits °C ),
- Et notre dépendance systémiques et technologiques au pétrole pour notre survie (on ne mange pas sans lui)
Et on comprend vite que la “science de la maison” n’est plus du tout une question de morale ou de volonté libre.
C’est une science de gestion à l’échelle planétaire.
Nous gérons mal la maison, nous nous endettons, nous allons finir à la rue.
Dans ce paradigme, empêcher le petit Léo de mettre le chauffage à fond l’hiver (parce qu’il aime bien avoir chaud et se balader tout nu), ou la petite Elisabeth de prendre des douches de 2h, ce n’est pas être un.e affreu.se dictateur.e.
C’est gérer la maison comme il se doit.
Ne pas dépenser plus que son salaire. Arbitrer ce qui vaut la peine d’être dépensé ou non (une petite folie de temps en temps ça ne fait pas de mal, mais ça doit rester exceptionnel).
Ne pas dépenser plus d’une planète.
L’effort à faire est dans cette règle de maison, cette économie.
Ca ne nous empêche pas de chercher des moyens pour faire plus avec moins, ou pour augmenter notre “salaire” (via des politiques de régénérations par exemple).
Mais ce n’est pas parce qu’on arrive à avoir 20€ de plus chaque mois, qu’on doit les dépenser en confiseries alors qu’on n’a pas l’argent de réparer une fenêtre cassée.
Il faut ne pas toucher à ces 20€, il faut faire des économies (des règles de maison), il faut décroître en consommation (énergétique, matérielle, protéique animale & déforestation / dé-océanisation).
Ca peut se faire dans la joie.
C’est à ça qu’on reconnait une belle histoire familiale.
Supprimer le superflu pour ne garder que l’essence de la Vie, les moments, les partages plutôt que les possessions/consommations.
Ca peut se faire dans la liberté, la créativité, l’humanité à son plein potentiel.
Qui nous a fait croire que notre liberté ne s’exerçait que par la consommation ?
Ca peut se faire en entreprenant, en s’associant, pour créer des objets et des services qui aident à bien gérer la maison, qui économisent des ressources (qu’on mettra chaudement à l’abri sans y toucher).
Ca peut se faire avec beaucoup d’amour entre les membres de la famille, et avec les colocataires humains et non humains.
Mais pour ça, je rejoint mes amis libéraux.
Il ne faut pas compter sur l’Etat ou les grandes entreprises.
Ils sont trop lents, trop gros, trop complexes à manoeuvrer, soumis à trop de pressions antagonistes.
Peut-être se réveilleront ils. Peut être pas.
Nous ne pouvons pas attendre d’eux qu’ils changent le monde.
Ce ne sont pas les rois qui font les révolutions.
Les “dirigeants de notre maison” (qui devraient être des “écologues” produisant des “économies”) sont comme des parents alcooliques laissant à l’abandon le foyer.
C’est aux enfants, à celles et ceux qui n’avaient pas le pouvoir, de prendre les commandes.
C’est à nous de construire des initiatives, des alternatives, des “économies”.
On peut toujours leur en vouloir, leur crier dessus pour leur irresponsabilité.
Mais on a mieux fait de faire les choses par nous-mêmes.
Nous avons des talents, de l’énergie, des moyens.
Nous savons ce qu’il faut faire.
C’est à nous de jouer, à nous d’entreprendre.
Nous sommes celles et ceux que nous attendons.
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Vous y trouverez un coaching quotidien, un peu comme celui là (mais en plus court) pour apprendre à faire partie de celles et ceux qui mettent leurs talents au service de “la maison”, celles et ceux qui se bougent sans attendre, impuissants, que l’Etat ou les grandes entreprises sortent de leur gueule de bois de parents alcooliques irresponsables.